Carnet de route

Glace, neige et esprit de cordée : chronique d'une ascension

Le 01/03/2025 par Vincent Dromer

Vincent dit :
« Hello Peio. Je viens de me mettre sur liste d’attente pour la sortie de ce week-end. J’ai bien vu qu’elle était complète, mais je me permets ce petit message au cas où un alignement des planètes me permettrait de me joindre à vous… »
Ce 28 février 2025, alors que sept astres formaient un alignement céleste rare – visible une fois tous les 400 ans (1) –, tout s’alignait aussi pour moi :  une météo qui décale de 24h, un désistement de dernière minute, et mon agenda qui s’ouvrait.
Me voilà, crampons aux pieds, prêt à partager cette aventure avec un groupe encore inconnu, entre les profondeurs d’une grotte glacée et l’ascension d’un sommet capricieux.
Partir à la rencontre de la montagne, ça m’arrive souvent. Mais cette nuit, après ma deuxième sortie avec le CAF de Bayonne, ce n’est pas tant l’effort qui me tient éveillé que l’inattendu, les rencontres et surtout l’esprit de cordée. Dans l’engagement, j’ai vu chez chacun un plaisir presque enfantin, un mélange de technique et de légèreté, qui me donne envie d’y revenir.


Départ et premières rencontres
La veille au soir, nous récupérons le matériel et chargeons les voitures pour 2h30 de route vers la vallée d’Aspe. Un dîner façon auberge espagnole nous attend, marqué par la générosité de la cuisine italienne d’Héléna – assez copieux pour qu’Olivier, lui, mange à peine le lendemain.
Spritz sans prosecco ? Merci Peio, ça rassure sur tes talents d’accompagnateur… Heureusement, le pichet de vin blanc de Laurent rattrape le coup.
Check météo, traces, risques, matos, niveau d’énergie, passif de chacun. Bastien a bien la caméra VHS, Héléna devra se passer du drone d’Olivier et la bouteille de vin rouge restera à quai avec mon chien imaginaire. Pendant ce temps, un bras de fer s’engage entre Bastien et le Tricount, tandis qu’Élise nous livre quelques secrets du CAF. Une partie de Dixit plus tard, nous filons rejoindre Morphée… dans la chambre Écureuil.
Un grand merci à Laurent et à la Maison de la Montagne 64 à Lescun, un cadre idéal pour une veillée digne de ce nom avant d’être prêts, à 8h tapantes, pour le départ. Peio nous avait demandé d’être prêts à 7h30… Mais il a su jauger notre bande de joyeux lurons sans même nous connaître. Ce n’est pas sa 50e sortie pour rien.

Vers la Gruta Helada de Lecherines
Passage du tunnel du Somport, arrivée en Aragon. Voiture garée à Canfranc, hasard stratégique d’être proche d’un troquet pour le verre de l’amitié de l’arrivée.
Crampons ajustés, DVA testé, yoga-minute pour moi, sac réglé, et petit délestage d’Olivier, qui abandonne une partie de son dîner de la veille. Il est temps d’attaquer les 1250 m de dénivelé.
Deux heures à longer la rivière à travers la forêt, où je me promets déjà d’embarquer Olivier (alias "ne me lance pas de défis stp") dans un bain de récupération au retour. Nous débouchons sur une estive saupoudrée de neige. Bastien repère des "traces de loup"… qui s’avèrent être les rondelles des bâtons de Peio. Merci Héléna de nous ramener sur terre.
Place au couloir. La neige accroche bien, on chausse les crampons. Peio nous forme à l’utilisation du piolet et à l’art subtil d’arrêter une glissade. Quelques exercices plus tard, nous poursuivons jusqu’à la Gruta Helada de Lecherines.
Le garde du parc national nous a un peu spoilés en annonçant que les formations de glace étaient moins impressionnantes que d’habitude… Mais l’essentiel est ailleurs. Moi, je suis déjà comblé par ce que je vis de la montagne et par ce que je partage avec ce groupe.
Et pourtant, une fois à l’intérieur, c’est un véritable palais des glaces qui s’offre à nous. Chacun s’émerveille, tous les sens en éveil : le contact surprenant des stalactites, plus sèches qu’on ne l’aurait cru ; le plic-ploc hypnotisant des gouttes d’eau résonnant dans la cavité ; la lumière qui danse à travers les colonnes de glace (enfin c’est Bastien qui les fait danser) ; l’accroche ferme des crampons sur le sol gelé ; la frontale qu’il faut aller récupérer au milieu des caillasses… Et bien sûr, ce petit regret partagé :  la langue d’Héléna que l’on aurait espéré restait collé sur la colonne.

L’ascension et la descente
Dans sa grande mansuétude, Peio nous octroie dix précieuses minutes pour avaler notre déjeuner et choisir entre deux options : lézarder au soleil ou partir à l’assaut du sommet.
Héléna, sage, préserve son genou pour le retour, tandis que le reste du groupe entame l’ascension (passons sous silence les téméraires partis sans sac – et donc sans piolet… Les photos parleront d’elles-mêmes).
Olivier ouvre la voie dans la neige vierge, traçant quelques beaux zigzags avant que nous n’atteignions les abords du sommet. J’avoue, je n’avais pas pris la peine de lire jusqu’au bout la page web détaillant l’itinéraire(2)… Les photos m’avaient suffi à embarquer. Mauvais calcul : les trente derniers mètres s’annoncent autrement plus techniques que prévu et c’était annoncé.
Chaque pas doit être assuré : sentir la neige sous nos crampons, bien enfoncer le piolet ou les bâtons, chercher l’accroche des rochers quand la pente se fait plus incertaine.
Héléna, hésitante, interroge Peio sur la descente. Réponse pragmatique :
— Concentre-toi sur la montée.
Vingt minutes de progression technique, chacun trouvant son propre rythme. Enfin, nous atteignons le sommet… juste à temps pour voir un nuage s’abattre sur nous et le vent se lever. Célébration express, mais pas le temps de s’attarder : il faut redescendre. Peio impose une formation serrée, et la descente commence.
Premier passage engagé… le crampon rafistolé d’Héléna cède. Heureusement, Peio sort de son sac une chambre à air découpée qui fera l’affaire.
La pente est raide, la neige commence à se transformer, le passage du groupe l’émiette. Une ou deux belles glissades viennent tester notre sang-froid, mais Peio, imperturbable, veille. Grâce à sa maîtrise, nous redescendons groupés pour mieux nous offrir, en récompense, une séance de luge de cul mémorable.

Atterrissage 
À tête reposée, je réalise que rejoindre le CAF de Bayonne cet hiver, ce n’est pas seulement perfectionner ma pratique de la montagne.
C’est m’inscrire dans la trace d’amoureux des sommets, de grands enfants capables de conjuguer engagement et légèreté, technique et partage.
Quel bonheur de vous avoir trouvés… et, quelque part entre neige et ciel, de m’être un peu plus trouvé moi-même(3).

 


___ 
(1) https://starwalk.space/fr/news/what-is-planet-parade#7-plan%C3%A8tes-dans-lalignement-plan%C3%A9taire-du-28-f%C3%A9vrier-2025
Merci Elise d’avoir identifié l’alignement astral, moi j’étais resté terre à terre à juste croire en ma bonne étoile

(2) https://www.topopyrenees.com/pena-blanca-2189m-et-gruta-helada-de-lecherines-en-hivernal/

(3) petit clin d’œil à ma copine Camilla qui m’a envoyé ce post la semaine dernière qui avait beaucoup raisonné pour moi https://www.instagram.com/p/DGFyvZXCz4p/?img_index=1

CLUB ALPIN FRANCAIS BAYONNE PAYS BASQUE
MAISON DES ASSOCIATIONS
11 ALLEE DE GLAIN
64100  BAYONNE
Permanences :
LES JEUDI 18h30-19h30 de septembre à juin à la salle d'escalade de Sainte Croix à Bayonne